L’annonce d’un appartement en vente à 1,4 million d’euros, square du Mor-Bihan, à Vannes (Morbihan), a créé l’émoi, le 11 avril 2024. Morbihan Habitat, vendeur de la parcelle concernée à Bouygues, assume et appelle à moins d’hypocrisie.
Des adhérents de l’association du quartier Conleau-Cliscouët, à Vannes (Morbihan), se sont émus d’apprendre que la future résidence Les Maritimes, porté par Bouygues Immobilier dans le cadre de la requalification du square du Mor-Bihan, compterait, sur 45 logements, un appartement de 174 m², dont le prix de vente atteint 1,4 million d’euros.
Remplacer, pour partie, des logements sociaux par un tel projet a de quoi semer le trouble. Eux parlent en matière de mixité sociale « de jeu de dupes ». Ce qui peut s’expliquer si l’on aborde le dossier à travers simplement l’émotion que cette annonce suscite. « Je peux comprendre que le chiffre de 1,4 million d’euros heurte les gens », concède, d’ailleurs, le maire David Robo. Mais ce regard est sans doute biaisé. Car la situation est bien plus complexe qu’elle le laisse paraître.
Aujourd’hui, le secteur du logement social est confronté notamment à une évolution de la composition des foyers (divorces, vieillissement…) qui tend vers un ou deux occupants par ménage, une paupérisation… Ajoutez à cela une crise de la construction, conséquence de conditions d’obtention de crédits bien plus strictes, de prix de l’immobilier historiquement élevés… et vous avez le parfait cocktail pour atrophier un parcours résidentiel traditionnel. Conséquence, « on ne sort plus du parc social donc on ne libère plus de logements pour les nouveaux arrivants », analysait, il y a peu, Hortense Le Pape, présidente de Morbihan habitat.
« On ne peut tirer sur les promoteurs »
L’enjeu est donc de construire du logement neuf. Encore faut-il en avoir les moyens financiers. Pour cela, Morbihan habitat, propriétaire du foncier square du Mor-Bihan, a cédé une partie de l’assiette foncière à Bouygues Immobilier, pour 6,8 millions d’euros tout de même. « Notre modèle est parfaitement transparent. Il ne s’agit pas d’être surpris, de s’offusquer, sinon à être hypocrite, par cette vente dans le secteur libre à Bouygues Immobilier, note Hortense Le Pape. Le renouvellement cité Le Bris, aux Korrigans… se fait à 100 % par le logement social. Mais ce modèle économique ne tient que par une revente du foncier parfois au secteur privé. » Sur ce point, le maire est d’accord : « Aujourd’hui, le logement social est moins financé par l’État. Il faut donc des partenariats de ce type avec le privé, grâce auquel les locataires de Morbihan habitat auront des logements de qualité. »
Autrement dit, qu’on le veuille ou non, c’est le prix à payer pour avoir des logements sociaux neufs à Vannes ou ailleurs dans le département, mais aussi pour une remise aux normes d’un parc immobilier vieillissant… « Le marché à Rennes, Nantes… est à l’arrêt, poursuit Erwan Robert, directeur général de Morbihan habitat. On a la chance d’avoir un territoire porteur mais on ne peut tirer sur les promoteurs. Si cela n’avait pas été fait, c’était 7 millions d’euros en moins pour les 900 logements prévus par an. »
L’exemple déjà de l’ex-tour de la CPAM
La présidente de Morbihan habitat souligne qu’elle ne peut interférer sur le prix de vente du promoteur mais que celui-ci, qui avait donné un prix moyen de sortie du m², a respecté ses engagements. Elle concède, néanmoins, « qu’il faut peut-être faire encore plus de pédagogie sur ces opérations de renouvellement urbain ».
Erwan Robert, lui, pointe du doigt les choix de départ qui, à ses yeux, sont tenus : « La mixité sociale ; un quartier vert avec en son centre sa sphère urbaine ; des partenariats avec les logements partagés, la Maison des assistantes maternelles (MAM)… »
Une stratégie pleinement assumée donc. D’ailleurs, si l’on dézoome la question du square du Mor-Bihan, on s’aperçoit que, dans l’ex-tour de la CPAM, vont se côtoyer des logements chers avec, sur la même parcelle, des logements sociaux dans un immeuble séparé. Une manière de voir essaimer de la mixité sociale. Ce qui fait dire à Erwan Robert, « qu’aujourd’hui, la moitié des Vannetais sont riverains de logements sociaux. »
Ecologistes : « Et les 6000 habitants en attente d’un logement social ? »
Les écologistes-EELV Pays de Vannes ont réagi dans un communiqué au sujet du square du Mor-Bihan. Ils s’insurgent contre une mixité sociale « qui atteint la somme de 1,4 million d’euros pour un appartement […]. C’est faire l’impasse sur les plus de 6 000 habitants qui sont en attente d’un logement social. C’est condamner une part importante de la population du territoire à se loger à des distances déraisonnables de son travail et des services de la ville centre. »
Les écologistes vannetais estiment que la priorité est d’affecter, aujourd’hui, « le foncier public disponible (76,2 hectares urbanisables) au logement social, par un soutien financier aux bailleurs sociaux ; et, au lieu des 704 logements sociaux visés sur un total de 3 520 logements programmés à travers les Orientations d’aménagement et de programmation (OAP) à vocation d’habitat du PLU (Plan local d’urbanisme), se donner la capacité de répondre aux 6 000 demandes en attente de logements abordables par du locatif social, du logement intermédiaire et de l’accession à la propriété par le biais du Bail réel solidaire (BRS), en mobilisant beaucoup plus que ce que prévoit aujourd’hui l’Organisme de foncier solidaire de GMVA. »
Ouest-France – Patrick CROGUENNEC – Publié le
https://www.ouest-france.fr/societe/urbanisme/logement-social-morbihan-habitat-assume-pleinement-sa-strategie-7377ae1a-fb01-11ee-996f-cb486090b639